Portfolio d'artiste édité à l'occasion de la création in situ dans le Parc Monumento d'une oeuvre du sculpteur Hubert Verbruggen durant l'été 2018.
Vide de corps, mais pas de sens
« Le cénotaphe du noyer » constitue véritablement la première œuvre de land art créée in situ dans le Parc Monumento.
Je m'en réjouis, car son existence n'était pas du tout imaginée dès le départ.
L'état sanitaire d'un majestueux noyer implanté en bordure du parc était tel que, quelques jours avant l'inauguration de Monumento, après avoir consulté plusieurs spécialistes, j'ai pris la décision, bien à contre cœur, de faire abattre cet arbre remarquable.
Si la ramure a pu être évacuée rapidement, il n'en alla pas de même pour le fût et les branches maîtresses, abandonnés temporairement sur le site faute de temps. De cet arbre exceptionnel il ne nous restait que des éléments épars, des tranches de bois, des tranches de vie, exprimant une certaine désolation.
C'était sans compter sur l'esprit créatif et imaginatif du sculpteur Hubert Verbruggen qui m'a proposé de redresser cet arbre, de lui donner une nouvelle vie, conférer du sens à ce qui était devenu un corps mort.
Avec « Le cénotaphe du noyer », l'artiste nous propose un récit dans lequel le contenu significatif a pris l'ascendant sur les préoccupations esthétiques relativement figées par le fait même de la structure de l'objet de la création.
Pour imaginer son œuvre, l'artiste s'est alimenté des commentaires entendus des riverains et passants pour qui, au fil du temps, ce noyer était devenu leur. Il avait pris, inconsciemment, valeur de symbole.
De plus, par le passé, l'artiste avait déjà réfléchi à une telle intervention dans le cadre d'un projet avorté pour lequel il avait réalisé des éléments constructifs qui vont s'avérer utiles pour sa création actuelle.
Enfin, il est très tôt apparu que sa démarche artistique s'inscrivait pleinement dans le projet global qu'est Monumento qui s'articule autour de l'art monumental intégré et du land art.
Ce fût un chantier des plus passionnants mais présentant aussi son lot de surprises. Il s'est notamment très vite avéré que les profondes racines de l'arbre, ainsi que l'intérieur de chaque élément de bois, devaient quasiment être vidés de leur substance pour être « nourris » de béton pour consolider la structure. L'intervention de l'artiste se manifeste non seulement par la véritable reconstruction de l'arbre s'exprimant par le redressement des éléments de son tronc, mais plus encore par l'agencement même de ces éléments dont les parties supérieures, décrochées par des prothèses métalliques, ouvertes vers le ciel, suggèrent la ramure disparue. La précarité apparente de cet équilibre confère à l'œuvre toute sa force et sa dynamique. Quant à sa nudité, résultant du retrait volontaire de l'écorce, elle révèle encore davantage les entailles brutales et profondes du tronçonnage, comme des cicatrices de la vie.-
L'œuvre porte ainsi à merveille son titre de « cénotaphe » : si le « monument » est bien vide de corps, il est incontestablement le mausolée des souvenirs de cet arbre remarquable disparu.
Philippe Marchal
Données techniques
Artiste : Hubert Verbruggen
Film et photographies : Nancy Massart, Edwin De Hertogh et Olivier Vanderlinden
Impression : jet d'encre sur papier Grain Aurora 200 gr
Tirage : 50 exemplaires + 4 exemplaires hors commerce + 1 exemplaire d'artiste, tous signés par l'artiste, les photographes et le concepteur du projet. Frontispice signé par l'artiste.